Trois sœurs qui trekkent : au Népal avec Lucky Chhetri  

Auteure :  Émilie Michaud 
Temps de lecture : 5 minutes

Elles sont guides, entrepreneuses, gestionnaires et elles ont fait leur place dans un secteur majoritairement masculin. Découvrez notre série sur les femmes dans le secteur du tourisme. À travers leur parcours et leurs enjeux, ces femmes inspirantes nous poussent à l’aventure !

« Quand je retrouve mes sœurs, en général, on soupe et on discute de notre enfance et se remémore les mauvais coups que l’on faisait petites… » Lucky Chhetri, avec ses 2 sœurs, Dicky et Nicky, a monté une entreprise de guides de trek et un organisme à but non lucratif pour former les femmes népalaises et leur redonner du pouvoir d’agir ! Devinez de quelle sororité je vais vous parler aujourd’hui ?  

Three Sisters Adventure Trekking et l’organisme Empowering Women of Népal existent depuis plus de 25 ans. Lors de l’un de ses premiers treks, Lucky est partie explorer un camp de base hors saison avec d’autres randonneurs. Personne ne croyait qu’elle était népalaise ! Tout le monde la complimentait sur son niveau de langue — le népalais est sa langue maternelle, on se le rappelle — et son excellent niveau en trek (les femmes, à l’époque, ne randonnaient pas nécessairement dans leur temps libre) ! Arrivée au camp de base, avec la vue à 360 degrés, Lucky a eu une révélation, elle s’est dit « c’est ça que j’aime, c’est ça que je veux faire du reste de ma vie », malgré les obstacles qu’elle sentait déjà arriver. Ce doux souvenir de la montagne et quelques mauvaises expériences avec des guides hommes ont poussé Lucky et ses sœurs à se demander comment elles pourraient mettre les femmes plus à l’aise. Au début des années 90, leur entreprise de guides Three Sisters Adventure Trekking a vu le jour. 

Les débuts ont été rock and roll. Les hommes de l’industrie du plein air ont tenté de leur mettre des bâtons dans les roues, en se moquant d’elles, en les accusant de ne pas se conformer à la culture népalaise, en leur faisant de la mauvaise publicité, en envoyant les autorités vérifier leurs permis ; la jalousie était forte, la compétition féroce. Lucky et ses sœurs ne se sont pas laissées faire. Le gouvernement voyait bien que l’organisme se conformait à toutes les règles et la montagne, elle, était assez vaste pour tout le monde. Elles ont décidé d’aller plus loin et d’offrir à leurs consœurs l’opportunité de devenir guides de trek. Le tourisme représente l’un des secteurs économiques principaux au Népal. Pour les femmes qui travaillent dans d’autres domaines, l’agriculture par exemple, ou en dehors des grands centres, c’est parfois difficile de s’accomplir, de réaliser de grands projets. L’organisme Empowering Women of Népal a été enregistré en 1999. 

À ce jour, plus de 2000 femmes ont été formées par l’organisme ! Ces femmes sont allées au bout d’elles-mêmes, elles ont exploré et découvert leurs capacités. Non seulement elles ont acquis des compétences techniques, mais en plus, elles ont gagné en dignité, en pouvoir et en confiance. Pendant la formation, les femmes perçoivent un salaire, pratiquent des activités extérieures et reçoivent une formation de qualité. Qu’apprennent-elles, ces futures guides ? Elles suivent des cours de langues, des formations en premiers soins, en environnement ou en développement du leadership, et bien d’autres sujets. Une formation complète, c’est deux intenses années. Pendant ce temps-là, les femmes demeurent sur place (l’organisme leur offre l’hébergement pendant quelques mois). À mesure que la formation avance, elles peuvent obtenir des emplois d’assistantes-guides, puis de guides certifiées. 

Lucky adore percevoir l’épanouissement des femmes guides qu’elle forme. Ces femmes arrivent intimidées, elles ne savent pas dans quoi elles se lancent, certaines ne parlent pas un mot d’anglais, il y a une forme d’innocence en elle. Petit à petit, une transformation physique s’opère : le langage corporel change, le contact visuel se fait plus présent, les connaissances augmentent, ce sont quasiment des personnes différentes qui quittent la formation. Cette transformation est superbe, et elle prend racine dans la montagne ! 

Même après trois décennies dans l’industrie, les sœurs Chhetri ont encore des ambitions d’expansion. Au Népal, à l’heure actuelle, on ne peut pas inviter de femmes provenant des pays voisins à assister à une formation. C’est l’une des choses qu’elles veulent changer : elles travaillent avec le bureau du tourisme au Bangladesh pour pouvoir également aider les femmes de là-bas. L’idée, c’est de monter un programme d’échange par l’entremise d’un projet norvégien. Pour Lucky, Dicky et Nicky, le tourisme se veut un outil au service d’une mission plus grande : redonner aux femmes du monde entier leur pouvoir d’agir.   

Lucky termine la conversation sur une mise en garde, un SOS même : tellement de choses se passent au Népal d’un point de vue climatique. Selon elle, les Népalais et les Népalaises appartiennent à la montagne : si la montagne disparaît, ils perdent bien plus qu’un milieu naturel, ils perdent leur identité. Leur milieu naturel est en train de changer, les montagnes sont en danger et on a besoin de personnes compétentes pour assurer la protection de ces montagnes et pour minimiser les effets négatifs. C’est donc important que la nouvelle génération de guides arrive avec des connaissances, c’est cet objectif qu’elle et ses sœurs visent en formant les femmes-guides. 

Pour plus d’infos sur leur organisme à but non lucratif : Empowering Women of Nepal

Et pour plus d’infos sur leur entreprise de guides de trek : Three Sisters Adventure Trekking

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